Avec ses règles de fonctionnement héritées de Dôgen zenji (13è siècle) et de maître Deshimaru (Association Zen Internationale, AZI), le Centre zen du Brabant Wallon fonctionne comme un petit temple bouddhiste zen sôtô en ville. Vous trouverez ci-dessous des extraits du Eihei Shingi que maître Dôgen a mis en oeuvre quand il a fondé le temple de Eiheiji et les règles de la pratique dans un Centre zen, telles qu’elles sont d’application dans les lieux de pratique de l’AZI.

Extraits du Eihei Shingi, règles pures des responsables de temple, de Dôgen zenji (13è siècle)

“Les fonctions de responsables de temple sont estimées et honorables. Il convient donc qu’elles soient occupées par des personnes qui ont l’esprit de la Voie et qui révèrent les anciens. Les responsables doivent avant tout être emplis de bienveillance et de douceur. C’est en ayant une grande compassion et une grande considération envers les autres qu’ils pourront être au service de tous et apporter leur contribution à la prospérité du temple. Dans le passé, ces fonctions ont toutes été occupées par des personnes qui ne recherchaient pas les honneurs du monde et qui voulaient seulement pratiquer la Voie. Tel est le véritable engagement sur la Voie et son parfum délicat. Rien n’est plus important.”

“Il est difficile de trouver quelqu’un qui ait l’esprit de la Voie. Lorsque nous contemplons les Bouddhas du passé et leur grande activité, personne, depuis les temps anciens jusqu’à ce jour, ne peut leur être comparé. La couleur des fleurs de pêcher et de prunier et la loyauté des pins et des cèdres ne sont pas brisées par le vent du nord. Comment pourraient-elles être vaincues par le gel et la neige ? Nous devrions sans tarder nous consacrer à l’étude de la Voie et devenir intimes avec le noble caractère de la foi sincère. Même si nous autres, pratiquants de la Voie d’aujourd’hui, rencontrons l’adversité, notre aspiration à l’étudier ne devrait pas faiblir. Comment pouvons-nous voir la sagesse des éminentes personnes du passé qui étaient déterminées à s’élever sans aspirer à être comme elles ?” 

“Les anciens plantaient parfois des pins, parfois des cèdres. N’est-ce pas là la pratique intime dans le magnifique paysage de montagne, la marque des dix mille anciens ? C’est pourquoi les enfants de la maison des patriarches du Bouddha devraient apprécier la profonde douceur du lait du Dharma. Ce que nous appelons “apprécier cette douceur”, c’est planter des pins et des cèdres et nous satisfaire de notre soupe de riz.”

[A propos de la manière d’être avec les autres]

“L’essence des fonctions des responsables est d’accueillir ouvertement et de respecter chacun dans la Sangha. Nous devons veiller à ce que les plus anciens et les plus jeunes vivent pacifiquement, amicalement et en harmonie les uns avec les autres, coopérant ensemble au sein de la grande assemblée, afin que tout le monde ait le cœur joyeux.”

“En tant que responsables, nous devons considérer avec amour tous ceux qui se présentent au temple et être emplis de compassion pour tous afin que le cœur de chacun devienne notre propre cœur. Cela nous permet de nous éveiller pleinement dans la pratique de la Voie. Une telle attitude transforme les parents en parents nourriciers et les enfants en enfants aimants. Nous sommes alors comme le gouvernail d’un bateau qui traverse un grand fleuve ou comme une longue période de pluie bienfaisante après une grande sécheresse.”

[A propos de la taille de la Sangha]

“Notre devoir est d’accueillir dans notre cœur tous les pratiquants du temple et d’œuvrer à la paix de la Sangha, sans considérer comme important le fait qu’ils soient nombreux ni prendre les gens à la légère s’il y a peu de monde. Il suffit de voir que les patriarches de Bouddha et les grands dragons éveillés n’accordaient pas d’importance à la taille de leur Sangha car seule la Voie en avait à leurs yeux. Même une Sangha de sept, huit ou neuf membres qui ont l’esprit de la Voie et révèrent les anciens surpasse les dragons et les éléphants et excelle dans la sagesse des sages.” 

“Voir chaque membre d’un temple, c’est comme le fait de voir tous les Bouddhas dans les dix directions alors qu’on est en train de ne regarder que le seul Bouddha Shakyamuni.”

[A propos de l’attitude éthique et responsable]

“Ce que l’on appelle l’esprit de la Voie consiste à ne pas perdre de vue la grande Voie des patriarches du Bouddha ni à se disperser dedans, mais à la protéger et à l’estimer profondément. C’est pourquoi, après avoir abandonné la gloire et le profit et quitté notre demeure, nous devrions considérer l’or comme des excréments et l’honneur comme des crachats. Sans obscurcir la vérité ni proférer des mensonges, nous devrions nous appuyer sur les règles de ce qu’il convient ou non de faire et nous consacrer totalement à l’observation des préceptes. Après tout, l’esprit de la Voie n’est autre que ne pas brader ni déprécier la valeur du thé et du riz ordinaires de la maison des patriarches du Bouddha.” 

[A propos de la pratique de l’activité pure, totale]

“L’esprit de la Voie, c’est voir que l’inspire n’attend pas l’expire. C’est comprendre que notre corps n’est qu’une caverne creusée dans l’espace vide et immense. C’est rester simplement assis, perçant tous nos crânes, ouvrant grand nos mains et nous tenant immobiles à l’entrée des narines. En soutenant le ciel clair et transparent, nous teignons les nuages blancs ; en transportant les eaux de l’automne, nous lavons la lune brillante. C’est ainsi que nous accomplissons la pratique de la contemplation telle que les anciens nous l’ont transmise.”

[A propos de la foi et du respect, de la considération envers les anciens]

“En tant que responsables, nous devons avoir une considération profonde envers les personnes honorables qui ont l’esprit de la Voie et qui pratiquent le respect envers les anciens. Nous devons les apprécier et faire preuve de compassion à leur égard. On entre dans le grand océan du Dharma du Bouddha grâce à la foi [dans les anciens].”

“En suivant la Voie, on devient noble. Sinon, on devient petit. Que ce soit dans les moments douloureux ou heureux, nous devons garder à l’esprit comment la Voie nous est parvenue : ainsi, quand nous entendons parler des actes et des paroles du passé, nous devons en faire notre cœur le plus intime et la pupille de nos yeux. La merveilleuse assemblée des patriarches du Bouddha, le monastère des amis spirituels, est le lieu où le Dharma est solennellement observé et où les manières respectueuses sont pratiquées.”

“Si, en nous souvenant des anciens, nous sommes conscients de la brièveté du reste de notre vie, nous ne pouvons pas nous permettre de vivre en recherchant de grands mérites. Si nous aspirons à devenir à notre tour un pont sur la Voie de l’Éveil, nous devons devenir intimes avec la façon dont les anciens pratiquaient.”

“En nous engageant joyeusement dans une pratique diligente et en révérant la vertu bienveillante des patriarches, nous exprimons notre reconnaissance pour les actes nobles et la grande attitude de ces pratiquants du passé.”

[A propos des donateurs et des dons]

“Si nous rencontrons un être humain ou une déité qui veut faire un don ou des offrandes au temple, nous devons d’abord examiner si le donateur a une vraie foi et si son geste est pur, puis étudier la question entre nous. Si la foi du donateur est pure et sa vision juste, nous pouvons alors accepter l’offrande.” 

“Les donateurs permettent à la Sangha de pratiquer les préceptes, la concentration et la sagesse en toute liberté, au sein des Trois Trésors ; de là peuvent émerger d’abondants bénéfices. Les dons qui nous sont faits concernent les quatre nécessités (nourriture, vêtements, literie et médicaments), c’est pourquoi la Sangha doit avoir un esprit de profonde reconnaissance envers eux. Alors que nous veillons à être attentifs à nos petits gestes, comment pourrions-nous ignorer la grande bonté des donateurs ? C’est pourquoi la Sangha doit pratiquer les trois actions du corps, de la parole et de l’esprit avec diligence afin d’accueillir pleinement les bienfaits des donateurs, leur permettre ainsi d’obtenir le merveilleux fruit de la bouddhéité. Ce n’est que dans le champ béni des Trois Trésors qu’il est possible d’expérimenter le grand bonheur de la bouddhéité qui jaillit de chaque don, si petit soit-il.”

[A propos du gyôji, de la pratique quotidienne]

“Nous devrions comprendre que les grandes réalisations n’ont rien à voir avec le fait de parler ou de garder le silence, ni d’agir avec diligence ou non. Il n’y a rien de plus noble que l’effort désintéressé et le fait d’agir seulement en accord avec la réalité telle quelle.”

“Responsables de ce temple, nous ne devons pas nous appuyer sur notre volonté personnelle ni nous tenir en retrait de la Sangha. Le travail est accompli pour le bien de tous, c’est-à-dire de la Sangha et de tous les êtres. Dire pour le bien de tous signifie ne pas agir en fonction de ses propres convenances. Ne pas agir en fonction de ses propres convenances, c’est contempler les anciens et aspirer à la Voie. Aspirer à la Voie, c’est pratiquer la Voie.”

“Tous les membres de la Sangha devraient participer de manière égale au travail du temple. “

“Nous veillerons à ce que chaque tâche soit mise en œuvre avec l’attitude de servir la Sangha avec diligence, en sachant quand et comment elle doit être accomplie.”

“Les efforts des responsables sont l’ensemble des efforts de la Sangha. Les fruits des efforts produits par toute la Sangha sont les fruits des responsables. Comment notre travail pourrait-il se limiter à la seule diffusion de la vérité conventionnelle ? Comment cela pourrait-il n’être qu’un moyen utilitaire ?”

“Nous devons veiller à ajouter ne serait-ce qu’un grain de poussière au sommet de la montagne des bonnes actions, sans perdre la moindre goutte de l’océan des vertus.”

“Notre attitude ne doit être ni trop sévère pour éviter de déranger la Sangha, ni trop laxiste car cela entraîne des erreurs dans le travail.” 

“Nous devrions prendre soin des bâtiments et de l’équipement en veillant à ce qu’ils restent en bon état.”

“Quant aux objets et aliments utilisés dans le temple, ils n’ont pas été créés dans le passé, le présent ou le futur ; ils ne sont pas semblables à ce qui provient du ciel, de la terre ou des royaumes humains. Ils sont obtenus en levant nos bras et nous devenons intimes avec eux en les prenant en main. C’est ainsi que nous offrons la Voie à la Voie. Alors, celui qui donne et celui qui reçoit la réalisent simultanément.” 

“En particulier, c’est en révérant la nourriture selon le Dharma qu’il sera possible de voir les patriarches du Bouddha. Avec un seul brin d’herbe cueilli, il est possible d’ériger un sanctuaire pour le roi des joyaux ; c’est en faisant tourner un seul atome que la grande roue du Dharma tourne.”

“Accomplir nos tâches pendant un jour et une nuit, c’est pratiquer la Voie avec joie. C’est seulement grâce à la compassion et aux bienfaits du grand maître Shakyamuni et grâce à la chance que nous avons eue d’entendre le Dharma que nous avons pu recevoir les mérites et les vertus requis pour vivre une nouvelle journée de labeur en cette ère dégénérée, dans cette contrée lointaine. Comment est-il possible d’exercer une telle activité sans baigner dans l’océan des vertus des Trois Trésors ? Et n’y a-t-il pas alors de plus grand bonheur à pouvoir l’exercer durant toute une année ? C’est ainsi que nous nous réjouissons des mérites et des vertus que nous avons accumulés. Se réjouir de nos mérites et vertus, ce n’est autre que se réjouir des mérites et vertus des Bouddhas. Ainsi, nous contribuons avec joie à ce que la lumière des Bouddhas puisse illuminer les responsables. Nous devrions toujours garder cela à l’esprit afin de faire de cette démarche respectueuse et empreinte de considération l’essence du Dharma qui est à l’œuvre au sein de la Sangha.”

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“Les différents points mentionnés dans ces “Règles pures des responsables de temple” attrapent tous le nez des anciens Bouddhas et les yeux des anciens sages. Tout comme ils ont été utiles dans le passé, ils ne peuvent manquer de l’être aujourd’hui. Ils sont précisément l’étude et à la pratique de la Voie. Si nous oublions nos jambes et nos bras, alors la couronne sur notre tête tombera sans nul doute. Avec quel visage rencontrerons-nous alors les patriarches du Bouddha ?”

(Rixensart – mars 2024)

Les règles de dôjô, de maître Deshimaru (Association Zen Internationale)

1. Dans ce Centre zen, seules les personnes concentrées et voulant continuer zazen en recherchant la Voie sont admises. Ceux-celles qui commettent des erreurs doivent réfléchir.

2. Tous les pratiquants doivent s’harmoniser profondément comme le lait et l’eau, et créer une belle et forte atmosphère. Bien que vous ne soyez maintenant que des disciples, vous pourrez par la suite devenir maîtres pour l’éternité. Pendant zazen, chacun de vous est semblable à un éveillé, à Bouddha ou Dieu.

3. Dans le Centre zen, vous rencontrez des amis spirituels dignes de respect ; tous ensemble, vous pratiquez le précieux zazen. Aussi vous ne devez jamais oublier leur profonde ferveur qui est plus importante, et éternelle, que les liens familiaux.

4. Les pratiquants anciens doivent enseigner avec douceur, sans aucun esprit d’arrogance.

5. Les pratiquants doivent suivre tous les enseignements de l’enseignant spirituel et préserver chaque règle du Centre zen. Si un pratiquant ne les suit pas, le responsable doit le prier de sortir.

6. Dans le zendō, ne pas se vêtir d’habits trop voyants. Si possible, un kimono noir, avec rakusu ou kesa si on a reçu les préceptes.   

7. Pendant zazen, enlever toute décoration, colliers ou autres [ndlr : signes ostensibles de distinction et objets de distraction]

8. Les personnes sous l’emprise de la drogue, les malades mentaux dont l’état ne leur permet pas de pratiquer, ne sont pas admis au Centre.

9. Ceux-celles qui aiment se quereller, discuter, se battre ou causer des troubles ne sont pas autorisés à pénétrer le Centre.

10. Une stricte morale sexuelle doit être observée dans les amitiés qui se nouent jusqu’au mariage.

11. Tout le monde doit arriver à l’heure. Ne pas déranger les autres si l’on arrive en retard. Les chaussures et les vêtements doivent toujours être bien rangés.

12. Il est interdit d’emporter les zafu ainsi que de l’encens ou tout autre objet.

13. Après la fin du zazen, tout le monde doit partir. Seul l’enseignant spirituel (ou son remplaçant) peut s’attarder.

14. Seules les personnes expressément autorisées ont le droit de venir au Centre.