Gakudô-Yôjinshû
« Recueil des points à observer dans l’étude de la voie»

L’essence du zen, transmise par Maître Dôgen: le Gakudô-Yôjinshû

Le Gakudô Yojinshû (“Recueil des points à observer dans l’étude de la voie”) a  été écrit par Maître Dôgen, fondateur de l’école zen sôtô, en 1237.

C’est un texte simple, particulièrement destiné aux laïcs qui veulent comprendre la pratique du bouddhisme zen sous sa forme sôtô et, en particulier, zazen et le lien à un enseignant, un maître.


Extraits du Gakudō-Yōjinshū

(Points qu’il faut garder à l’esprit dans la pratique de la Voie) de Eihei Dōgen Zenji

1. Nécessité de faire naître l’esprit d’éveil

(…) Quand on réalise véritablement l’impermanence, l’esprit du « moi » et du « mien » ne se lève plus, pas plus que ne se lève le désir de renommée et de profit. (…) Lorsque vous serez libérés des liens qui vous attachent aux objets des sens, vous serez alors naturellement en accord avec le principe de l’esprit d’éveil. (…) Si vous ne renoncez pas à l’attachement à la renommée et au profit, vous ne pourrez pas faire naître l’authentique esprit d’éveil. (…) Celui qui oublie, ne serait-ce qu’un instant, le « moi » et le « mien » et retourne à la sublime solitude, celui-là manifeste la forme réelle de l’esprit d’éveil. (…)

2. Lorsque vous entendez le vrai Dharma, il faut le pratiquer

(…) Il n’existe personne qui ne puisse changer son esprit en entendant une seule parole du Bouddha. (…) Mais si l’aspirant à l’éveil n’est pas sincère, il n’acceptera pas les paroles de Bouddha. Si vous ne changez pas votre esprit, vous ne pourrez pas rompre le cycle de la transmigration des naissances et des morts. (…)

3. C’est toujours par la pratique que vous devez entrer dans la voie du Bouddha et la réaliser

(…) Le Bouddha dit : « La réalisation réside dans la pratique elle-même. ». Les personnes diffèrent dans leurs capacités, certaines basent leur pratique sur la foi, d’autres sur la loi. La réalisation de certains est subite alors que pour d’autres elle est graduelle. Tous entrent cependant dans la réalisation par la pratique. (…)

4. Ne pratiquez pas le Dharma de Bouddha avec un esprit de profit

Ne soyez pas animé par un esprit d’utilitarisme personnel. Le Dharma de Bouddha ne peut être atteint par la pensée ou la non-pensée. Si votre aspiration n’est pas en accord avec la Voie, corps et esprit ne seront jamais en paix. (…)On réalise cet accord lorsque l’esprit ne saisit ni ne rejette quoi que ce soit, lorsque l’esprit ne désire ni renommée ni intérêt. (…)
Un pratiquant du Dharma de Bouddha ne devrait pas pratiquer pour son propre salut. Comment pouvez-vous sérieusement envisager de pratiquer en vue de la renommée et du profit ? Contentez-vous de pratiquer pour le bien du Dharma de Bouddha. (…) Pratiquer le Dharma de Bouddha pour le bien du Dharma de Bouddha, telle est la Voie.

5. Pour pratiquer le Zazen et étudier la Voie, il faut trouver un maître authentique

Un ancien sage a dit : « Si, au départ, votre aspiration n’est pas dirigée dans la bonne direction, tous vos efforts dans la pratique seront vains. » Quelle est juste cette parole ! Votre pratique de la Voie dépend uniquement du fait que votre maître soit un vrai ou un faux maître. (…)
(…) Depuis les temps anciens, nombreux sont les enseignants qui ont rédigé des livres pour instruire leurs disciples ainsi que pour exposer leurs enseignements au grand public. Cependant, leurs mots étaient encore verts ; leur formulation n’était pas encore mûre. Ils n’avaient pas encore atteint le plus haut sommet de la connaissance, leur esprit n’avait pas approché les marches de la réalisation. Ils n’ont fait que transmettre des phrases et appris aux gens à réciter des mots. Jour et nuit, ils ont dénombré la richesse d’autrui sans avoir pour eux le moindre centime en poche. Telle est la faute des anciens. (…) 
Les maîtres ne voyant pas par quelles illusions ils étaient eux-mêmes aveuglés, comment les disciples auraient-ils bien pu reconnaître le vrai du faux ? (…) Cela est entièrement la faute des maîtres, non celle des disciples. (…) 
Tournez-vous vers la voie vivante, qui se situe bien au-delà de la pensée discriminante. Si vous ne pouvez pas trouver de vrai maître, mieux vaut ne pas pratiquer. (…)
Être un maître authentique n’a rien à voir avec l’âge, mais il est toutefois nécessaire d’avoir clarifié le vrai Dharma et d’avoir reçu la certification d’un maître authentique. (…)
Un véritable maître n’accorde pas la première place aux mots ni à la compréhension intellectuelle. Il doit avoir des capacités qui transcendent la pensée discriminante et être doté d’une aspiration au-delà de l’ordinaire. Il doit être libre de tout point de vue égoïste et ne pas être sous le joug des émotions humaines. Sa pratique est en adéquation avec sa compréhension. Voilà un maître authentique.

6. Ce qu’il faut garder présent à l’esprit lorsque l’on pratique le Zen

Apprendre la Voie en ayant recours au zen est l’affaire la plus importante de toute votre vie. Ne prenez pas cela à la légère et ne soyez pas désinvolte dans votre pratique. (…) Les hommes d’aujourd’hui disent que nous devrions pratiquer ce qui est facile à pratiquer. Cette vision est totalement fausse. Cette attitude va complètement à l’encontre de la Voie du Bouddha. (…) 
Le Dharma dont le monde est imprégné fut réalisé par le Grand Maître Shakyamuni, après qu’il se fut consacré à des pratiques difficiles durant d’innombrables périodes cosmiques. (…) 
Même s’ils sont nombreux à avoir pratiqué par le passé la voie de l’ascèse, bien peu ont réalisé la Voie. Cela est dû au fait que maîtriser son esprit est extrêmement difficile. Ni l’intelligence ni une vaste érudition ne sont de première importance. Le mental, la volition, la conscience, la mémoire, l’imagination et la réflexion sont sans valeur. Sans avoir recours à ces méthodes, entrez dans la voie du Bouddha en unifiant votre corps et votre esprit. (…)
Aussi longtemps que vous baserez la compréhension des paroles de votre maître sur vos propres points de vue, le dharma de votre maître demeurera hors de votre portée. (…) 
Contentez-vous d’écouter le dharma de votre maître et acceptez-le sans le passer au crible de vos sentiments. Votre corps et votre esprit ne doivent faire qu’un avec celui du maître ; recevez le dharma de votre maître comme l’eau passe d’un récipient dans un autre. Si vous faites cela, vous ne manquerez pas de réaliser le Dharma. (…)
Si les paroles de leur maître sont en adéquation avec leurs opinions personnelles, ils les considèrent comme vraies. Si les paroles de leur maître ne concordent pas à leurs idées préconçues, ils les considèrent comme fausses. Ils ne sont pas capables d’abandonner les vues fausses et encore moins, de revenir à la réalité de Bouddha. Ils erreront dans l’illusion pendant d’innombrables kalpas. Il n’y a rien de plus triste. (…)

7. Toute personne qui pratique le Dharma de Bouddha et qui aspire à la libération doit apprendre le Zen

Le Dharma de Bouddha est supérieur aux autres enseignements. Voilà la raison pour laquelle les gens souhaitent l’apprendre. (…) Le Grand Maître Shakyamuni fut le seul à amener les êtres vivants à l’éveil ultime. (…) Depuis, la Voie s’est transmise sans interruption de maître à disciple. (…) 
Quand vous commencez à apprendre la voie du Bouddha, approchez-vous d’un maître, écoutez ses enseignements et suivez ses instructions. (…)

8. Les activités des moines zen

(…) Ouvrez vos mains, laissez tout passer et regardez. Que sont corps et esprit ? Que sont leurs activités ? Que sont la vie et la mort ? Qu’est-ce que le Dharma de Bouddha ? Qu’est-ce qu’une vie profane ? Que sont en fin de compte les montagnes et les rivières, la grande terre, les animaux, les êtres humains, et leurs demeures ? Regardez ces choses attentivement, encore et encore. (…) 
N’arrêtez pas de pratiquer même après que vous soyez arrivés au bout du chemin. Tel est mon souhait !

9. Vous devriez pratiquer en vous dirigeant vers la voie véritable

Un pratiquant déterminé doit tout d’abord distinguer la bonne de la mauvaise direction dans la pratique de la Voie. (…) Avancer dans la Voie, c’est continuer à clarifier (votre esprit) jusqu’à embrasser la voie de Bouddha dans toute son étendue, et en comprendre tous les aspects. La voie du Bouddha est juste sous vos pieds. Là où l’on en arrive à être obstrué par la Voie, il y a clarté parfaite. Si l’éveil vous aveugle, vous devenez complètement vous-même. Donc, quand bien même votre compréhension serait parfaite, vous n’êtes toujours qu’à mi-chemin de la réalisation ultime. Telle est la façon d’aller dans la direction de la vraie voie. (…)

10. Asseyez-vous juste ici

(…) N’essayez pas de changer votre corps ou votre esprit. Contentez-vous de suivre les instructions de votre maître. Cela s’appelle « être présent » ou « se poser. » Puisque vous avancez en suivant votre maître, vous êtes libres de vos vues anciennes. Puisque vous êtes posé ici, vous ne cherchez pas un nouveau nid.